Elle possédait 10 appartements et un CDI, puis tout a basculé : « je suis devenue squatteuse, ça peut arriver à tout le monde »

25/10/2025
elle possédait 10 appartements et un cdi, puis tout a basculé « je suis devenue squatteuse, ça peut arriver à tout le monde »

Marie Lucchesi incarnait jusqu’il y a peu la réussite classique. Propriétaire immobilière de dix appartements, titulaire d’un cdi dans une grande entreprise, elle pensait avoir assuré sa sécurité et celle de son mari. Pourtant, en quelques mois, son quotidien s’est effondré avec une rapidité déconcertante. Son parcours montre combien la chute sociale peut frapper sans prévenir, même les profils les plus stables.

Quand la stabilité bascule en précarité

Avec dix biens en location et un emploi pérenne, Marie ne se doutait pas qu’elle ferait partie de ceux que l’on appelle à tort « squatteurs ». La vie menait tranquillement son cours jusqu’à l’arrivée des premières difficultés financières. Entre inflation galopante, loyers impayés de certains locataires et charges qui explosent, ses revenus fondent rapidement.

Peu à peu, Marie accumule du retard sur ses propres loyers. Malgré le cdi de son mari, le couple n’arrive plus à suivre. Les factures s’empilent, le délai toléré par le propriétaire arrive à son terme. C’est la menace concrète de la perte de logement. Ce scénario, longtemps jugé improbable, devient leur réalité.

Une chute sociale rapide et inattendue

La bascule brutale dont parle Marie ne prévient jamais vraiment. Un jour, chaque facture se règle normalement. Le lendemain, la précarité s’installe du fait d’une accumulation de soucis : baisse des revenus locatifs, dépenses imprévues, santé fragile ou emploi menacé.

Rapidement, Marie et son compagnon vivent ce que beaucoup craignent : la procédure d’expulsion. Leur statut de locataire protégé par un bail ne pèse plus face à la dette grandissante. En 2024, plus de 24 000 ménages subissent cette réalité en France, un chiffre record qui grimpe d’année en année, alimentant la peur du déclassement.

Du statut de propriétaire à celui de squatteuse

Ce retournement complet fait passer Marie de proprio investisseuse respectée à occupante sans droit ni titre. Le jour où le propriétaire vient récupérer les clés, elle se retrouve contrainte de rester quelques jours dans le logement, sans autorisation formelle, espérant trouver une solution rapide pour partir dignement. C’est souvent comme cela que naît la situation de squat.

Souvent perçue de façon négative voire caricaturale, cette position révèle pourtant la fragilité des parcours habituellement jugés exemplaires. La sécurité professionnelle et financière apparaît alors bien illusoire face aux circonstances adverses. Le malaise est profond pour ceux qui connaissent cet effondrement soudain.

Crise du logement et nouvelle législation : quelles conséquences ?

La crise du logement sévissant en France aggrave ces situations. Trouver un nouvel appartement relève du parcours du combattant, quand bien même on dispose d’un cdi ou d’un dossier solide. Les exigences des bailleurs sont montées en flèche, rendant inaccessibles de nombreux logements à ceux qui ont connu un accroc.

Parallèlement, la loi anti-squat votée en juillet 2023 vient accélérer les processus d’expulsion pour occupation illégale. Cette mesure, saluée par de nombreux propriétaires, inquiète fortement les associations de défense des locataires. Elle complexifie encore davantage la recherche d’une issue pour les ménages déjà en difficulté.

La réalité derrière le mot « squat »

Dans l’imaginaire collectif, le terme squat évoque avant tout des personnes marginalisées, coupées de la société. Mais comme le montre l’histoire de Marie, la frontière entre locataire régulier et squatteur se franchit parfois en quelques jours. Un simple retard de paiement suffit parfois à faire passer quelqu’un d’un monde à l’autre, sans rupture volontaire ni mauvaise foi.

On retrouve ainsi dans le squat de plus en plus de familles jusque-là considérées comme protégées par leur statut professionnel ou immobilier. La précarité ne fait plus de distinctions nettes. Ce glissement touche désormais tous les milieux sociaux.

Les répercussions psychologiques de la précarisation

Derrière les chiffres froids, chaque perte de logement laisse des traces profondes. Le sentiment d’humiliation prime, mêlé à la peur du lendemain. Certains évitent d’en parler par honte, persuadés d’avoir “raté” là où d’autres semblent réussir sans effort.

Les professionnels de l’accompagnement insistent sur le besoin de rompre l’isolement, d’échanger, d’alerter autour de soi avant que la spirale ne devienne incontrôlable. Car personne n’est totalement à l’abri d’une telle dégringolade, surtout dans un contexte économique instable.

L’importance du regard porté sur la précarité

Le récit de Marie renvoie à une question clé : comment la société considère-t-elle ses membres les plus fragilisés ? Renvoyer l’image du “squatteur profiteur” masque une autre réalité, faite de difficultés économiques et de solidarité absente.

Qualifier ainsi toute personne occupant un logement sans droit ni titre revient à minimiser la violence de la bascule brutale subie par certains individus ou familles. Derrière chaque histoire comme celle de Marie, se cache une mosaïque de vies fragilisées temporairement ou durablement.

  • Le chômage partiel, l’accident de santé ou la séparation font des ravages dans la stabilité financière.
  • L’inflation se traduit concrètement par des milliers de foyers sous pression à chaque fin de mois.
  • Des dossiers de plus en plus scrutés bloquent l’accès au logement aux anciens locataires “en défaut”.
  • Le sentiment d’exclusion ou de dévalorisation hante ceux qui tombent dans la précarité, quelle qu’ait été leur situation antérieure.

Pourquoi la sécurité est aujourd’hui si fragile ?

Devenir squatteuse après avoir été propriétaire immobilière n’a rien d’un échec personnel. Cette histoire rappelle que la stabilité dépend d’une multitude de facteurs extérieurs, économiques et sociaux. La fragilité des parcours n’est plus réservée aux seuls précaires mais guette chaque foyer, quelle que soit sa situation initiale.

Alors que de nouvelles lois prétendent protéger la propriété privée, elles risquent aussi d’aggraver l’exclusion de personnes en difficulté passagère. L’exemple de Marie interpelle encore sur le manque de solutions accessibles pour sortir dignement de l’impasse, mais aussi sur le rôle de chacun pour regarder autrement ce visage méconnu du squat.

Facebook
LinkedIn